mercredi 29 février 2012

Pour en finir avec Anonymous

Bon, il parait qu'on vient d'arrêter 25 membres d'Anonymous. Soit. Des membres "proéminents" même. Il y aurait l'organisateur de l'infrastructure (on devine que c'est un mot pour désigner le webmaster) des sites hispanophones Anonymous. Dans certains journaux on croirait lire l'arrestation des chefs d'Al-Quaïda Espagne-Amérique Latine. D'après les autorités Espagnoles, Anonymous serait même considéré comme une menace par l'OTAN.

J'ai un scoop pour vous, je prends l'entière responsabilité de dévoiler cette donnée pourtant publique au monde, et de faire le boulot que les journalistes ont l'air déterminés à ne pas faire : Anonymous est une blague. C'est une plaisanterie, peut-être la plus réussie de ce siècle. Laissez moi vous raconter l'histoire.

On doit la conception de cette blague au forum d'échange d'images 4chan. "Anonymous", c'est le nom des gens qui postent sur 4chan sans donner leur nom. C'est le nom par défaut, c'est donc l'auteur d'une grande partie des messages. Parler d'Anonymous comme d'une personne (généralement psychotique, amnésique, perverse mais disposant d'énormes ressources) était une blague récurrente.

Comme sur beaucoup de forums, il arrivait que les membres décident d'aller influencer en masse un vote en ligne, ou un autre forum. D'une façon assez logique, Anonymous revendiquait ces actions. L'iconographie d'Anonymous a longtemps été le costume d'affaire sans tête ou avec un point d'interrogation à la place de la tête. Le film 'V pour Vendetta' y a ajouté le masque.

La conception a eu lieu sur 4chan, mais on doit l'accouchement à Fox News, cette chaîne d'"investigation" Américaine qui n'a jamais laissé la vérité se mettre au travers d'un bon coup médiatique. Débarquent donc les journalistes de Fox News, qui ne comprennent strictement rien à ces pratiques et qui se retrouvent malgré eux complices de la blague. Nous sommes en 2002. Que se passe-t-il quand vous demandez à "Anonymous" sur 4chan qui il est et ce qu'il peut faire ? Bien évidemment il répondra n'importe quoi et un journaliste peu scrupuleux n'aura qu'à piocher la version qui l'arrange. Aussi, quand un reportage accuse Anonymous d'être une puissante conspiration secrète de hackers, nombreux sont ceux à avoir abondé dans le sens de la blague et à en rajouter, quitte à revendiquer des choses saugrenues. Ce reportage a d'ailleurs été tellement bien accueilli que pendant un moment 4chan a adopté comme slogan le nom que lui avait attribué ce reporter : "Internet hate machine". (Vous pouvez trouver ce morceau d'histoire ici via ce lien youtube)

Où en sommes nous maintenant ? Certaines choses revendiquées par Anonymous dépassent le stade de la blague et sont des actions franchement politiques. Grâce à ces journalistes qui ne comprennent rien à Anonymous, une identité s'est créée, ce que certains appellent un 'Stand Alone Complex' (nom tiré de la série Ghost In The Shell décrivant un mouvement un peu similaire dans son émergence) et qui parvient à s'entretenir grâce à un mécanisme très simple : En prenant l'étiquette 'Anonymous', un activiste ou un groupe d'activistes s'attire immédiatement une certaine attention médiatique. Il n'y a pas d'autorité centrale, pas de chef, pas de porte-parole, en fait pas de groupe derrière ce masque. Il n'y a aucune solidarité implicite entre les différentes personnes qui le portent.

La seule condition pour prétendre au masque d'Anonymous est d'être anonyme. Il ne faut pas sortir de l'ENA pour comprendre qu'il serait dangereux de traiter ce mouvement de mouvement terroriste comme semblent le désirer certains. Si le seul fait de souhaiter l'anonymat est une marque de sympathie pour un mouvement terroriste, de nombreux débats politiques deviendront impossibles. La possibilité de communication anonyme est une condition nécessaire à la démocratie.

jeudi 15 décembre 2011

Données publiques et publiées, droit à l'oubli

À une réunion OpenData69, une personne a mentionné quelques sujets que je considère philosophiques et que nous n'avons pas eu le temps d'approfondir mais qui me semblent importants.

Toutes les données publiques sont publiables

Pour moi, il s'agit d'un prédicat de base du mouvement open data : toutes les données publiques sont publiables. Si une donnée est publiée (dans un lieu ou une publication publique) alors elle doit être publique. Si elle ne doit pas être publiée, alors il ne s'agit pas d'une donnée publique.

L'exemple qui avait été donné est celui des bans de mariage. Il s'agit d'un document public, affiché devant la mairie, mais a priori la CNIL interdit d'en faire une publication électronique si les noms des époux sont mentionnés. Un témoignage était donné d'une personne qui avait fui ses parents et ne souhaitait pas qu'ils apprennent sa nouvelle adresse.

Il y a une déficience quelque part dans ce scénario: Où bien la loi autorise à se marier anonymement ou sous pseudonyme, ou bien elle fait du mariage un acte public que l'on ne peut cacher à ses parents. L'idée que l'on puisse bénéficier d'une bonne probabilité de passer inaperçu en changeant de ville est très dangereuse. Ceci nous amène au deuxième point.

Il n'y a pas de demi-publication ou de semi-confidentialité

Les gens qui s'intéressent à la sécurité informatique ou à la vie privée ont tendance à ne voir que deux niveaux de confidentialité : la confidentialité et la compromission. Une donnée confidentielle est une donnée dont on peut contrôler strictement la diffusion car on sait à qui on la transmet et on fait confiance à ces personnes pour garder l'information confidentielle. Une donnée compromise est toute donnée diffusée dans d'autres circonstances et doit être considérée comme potentiellement connue du public. Si une seule personne inconnue reçoit l'information, on doit considérer qu'elle est compromise, et on ne peut plus la considérer confidentielle.

Cette mentalité qui n'a peut-être été autrefois que l'apanage des espions et des secrets d'état prend réellement tout son sens sur internet ou n'importe qui a les moyens de provoquer une diffusion très large. Au XXIe siècle, il est donc important de réaliser qu'on ne peut pas publier à moitié. La plupart des troubles provoqués par Facebook proviennent d'une difficulté à comprendre ce principe. Et la publication des bans procède du même risque : on peut tout à fait imaginer un commentaire sur un blog "Hé! Y a quelqu'un avec le même nom que moi qui se marie dans deux semaines à ma mairie !". Il n'y a rien d'illégal à cela, la confidentialité de rendre la publication locale est tout à fait illusoire, elle doit être protégée par d'autres moyens.

Le droit à l'oubli est inapplicable

Le droit à l'oubli est une chose dont on entend parler de plus en plus fréquemment. C'est une bonne idée, qui n'a malheureusement pas la possibilité d'être implémentable techniquement. Il faut avoir le courage de l'abandonner avant que l'on ne commette trop de dégâts en son nom.

De même qu'on ne peut forcer une personne à oublier un fait dont elle a pris connaissance, on ne peut effacer d'internet une information. Internet est composé des centaines de millions d'ordinateurs de ses utilisateurs, qui ont chacun la possibilité de sauvegarder ce qui leur chante. Demander à ce que des données soient chez eux effacées au nom d'un droit à l'oubli ressemble un peu à exiger que la police vienne chez vous brûler tous les journaux de plus d'un certain âge. Il est impossible de donner techniquement ce droit sans ouvrir la porte à des abus qui font réellement frémir.

Il ne faut cependant pas s'en inquiéter outre mesure : le droit à l'oubli est principalement moral et est d'ores et déjà bien compris, accepté et appliqué par la population. Les frasques de jeunesse sont généralement bien pardonnées par la société. Il est de mauvais goût pour un journaliste de ressortir de vieux faits, mais on considère de bonne guerre qu'il soit possible contre un personnage public utilisant ce genre d'attaque de pouvoir lui répondre sur le même ton.

Légaliste ou moraliste ?

Dernier point, sommes nous au sein d'OpenData dans une démarche légaliste ou moraliste ? C'est à dire devons nous considérer que l'open data est une initiative qui doit rentrer à tout prix dans le cadre strict de la lettre de la loi ou nous plaçons nous sur un terrain politique plus large en nous réservant la possibilité de contester le bien-fondé de certaines lois ?

Je crois quant à moi qu'il s'agit réellement d'une action politique, fondée sur une doctrine morale claire : la transparence est une bonne chose et les données publiques doivent être publiées. Si des règlements ou des lois entravent cette action, il ne faut pas s'interdire de les contester et d'exiger leur évolution.

vendredi 21 octobre 2011

Publions en ligne archives du Canard Enchaîné


Il faut que le Canard Enchaîné publie ses archives sur internet. C'est important pour les élections, en particulier pour les élections non présidentielles. Je m'explique.

J'aime bien le Canard Enchaîné. C'est un journal que beaucoup ignorent à tort pour son coté léger et satirique. C'est pourtant le seul journal à grand tirage véritablement indépendant en France et un des plus actifs en ce qui concerne l'investigation politique. Les journalistes le considèrent comme une référence, une institution.

Le Canard Enchaîné a pris une excellente décision il y quelques années lorsque tous les autres journaux créaient leur version web : ils ont décidé qu'ils n'avaient pas à mettre leur journal en ligne, que cela n'avait pas de sens économique pour eux. Ils sont à l'heure actuelle un des seuls journaux Français à ne pas être en crise.

Le lecteurs d'autres journaux le connaissent car il est souvent cité comme une source d'information dans les scandales impliquant des célébrités politiques : les affaires Woerth, Karachi, MAM en Tunisie, etc... mais ce que ces lecteurs indirects ignorent, c'est que chaque semaine ou presque le Canard révèle des affaires. Cependant, ces affaire hebdomadaires touchent principalement des élus locaux ou des députés peu connus du grand public et elles ne sont donc pas relayées par les grands médias.

En 2012 nous voterons dans deux élections : la présidentielle et la législative. Si vous êtes comme moi, et comme à mon avis la majorité des Français, vous connaissez assez bien les candidats présidentiels mais avez l'intention de choisir votre député en fonction de son étiquette. Pourtant, j'aimerais par mon vote, lutter contre la corruption ou la collusion avec les lobbies. Ces mauvaises habitudes n'étant pas l'apanage d'une seule étiquette politique, il est très difficile de juger des personne proposées, souvent inconnues des médias.

Si seulement je pouvais rechercher un nom dans les archives du Canard Enchaîné ! Savoir qu'il y a dix ans, tel candidat a été condamné pour fraude à une élection municipale ou pour corruption en tant que président de la communauté de communes du coin, cela pourrait m'inciter à voter pour une personne plus honnête.

À ce jour, le Canard Enchaîné a probablement la plus grosse archive des affaires de la République. Je comprends leur aversion pour les versions en ligne des journaux, qui ont coulé certains de leurs concurrents, mais je pense qu'il est important de distinguer les deux produits distincts dont on parle :

- Le scoop. Les affaires de la semaine ou de l'année, qu'ils vendent très bien aux citoyens vigilants des moeurs de leur gouvernement, et qui constituent le coeur de métier du Canard.

- Les archives. Ils vendent leurs numéros passés, mais je doute qu'il s'agisse d'un énorme revenu. Le scoop d'un an n'est plus un scoop. C'est une i
nformation qui ne peut plus être vendue si elle n'est pas rafraîchie d'éléments nouveaux. Ce sont ces informations dormantes que je propose de mettre en ligne.

«Oui, mais ça coûte cher de mettre des milliers de numéros en ligne» me rétorquera-t-on avec raison. Ce serait vrai si c'était le Canard Enchaîné lui-même qui décidait de les publier : il lui faudrait scanner tous les articles, les mettre en ligne, entretenir des serveurs, etc... Comme ils ne veulent pas dépendre de revenus publicitaires, la norme pour les contenus en ligne, ma proposition peut sembler coûteuse. Pas nécessairement. Il suffirait pour le Canard de donner une autorisation de publier et partager les anciens numéros, de plus de deux ans par exemple, sous une licence libre comme la Creative Commons (dans sa version by-sa ce serait génial, mais même en -nd ou -nc ça aurait déjà une grande utilité). Les initiatives de numérisation, de publication et d'indexation apparaîtraient aussitôt au sein de la communauté de plus en plus politisée des geeks.
Qu'est ce que le Canard Enchaîné aurait à y gagner ? Pas d'argent, c'est vrai, mais il n'en perdrait pas non plus et il bénéficierait d'une visibilité sur internet qui leur gagnera certainement des lecteurs «papier». Il contribuerait également à la lutte contre la corruption et la collusion ainsi qu'à l'éducation des électeurs, deux thème que j'imagine assez proches des idéaux de ce journal. Et ce, pour le coût d'une simple déclaration.

vendredi 14 octobre 2011

Reprenons les rênes

Eh bien ! Pour quelqu'un qui espérait poster une fois par mois, je bats des records. Heureusement, les statistiques me confirment que ce site reste un pur exercice de paille et que les lecteurs assidus ne piétinent pas au portillon.

Je vais essayer de reprendre les rênes de ce blog pour me débarrasser d'une addiction qui me coûte beaucoup de temps : j'ai l'habitude de m'engager, sur slashdot, rue89, hackernews mais surtout depuis peu sur reddit, dans des conversations en ligne, des débat parfois longs et passionnés, parfois courts et informatifs. J'aime écrire, j'aime manier des arguments, j'aime convaincre. Cependant, refaire pour la énième fois le même argument, pour le même sujet, est décourageant et de plus, l'attente fébrile des réponses a fini par me sembler malsaine.

Au lieu de cela, je vais désormais tenter d'utiliser ce blog en tant qu'exutoire qui me permettra de développer des arguments suffisamment longs mais aussi courts que possibles, citant des sources lorsque c'est nécessaire et dans un langage précis. Si l'envie me prend d'intervenir dans une discussion en ligne, j'essaierai de pointer sur un article ou de copier-coller des éléments de ce blog.

Il devrait donc y avoir quelques billets un peu plus politiques et économiques dans les semaines (mois ?) qui viennent. Je vais essayer de retranscrire en Français des débats que je suis avec intérêt en Anglais, pour mes compatriotes fâchés avec Shakespeare. Mon problème est que j'aime illustrer mes articles, je trouve que ça les rend beaucoup plus agréables à lire, or l'économie est assez difficile à illustrer. Une fois n'est pas coutume, j'illustre celui-ci avec une BD en Anglais, que Jeanne D'Arc me pardonne, tant elle reflète mon problème de ces derniers mois.

Pour les rares qui ne connaîtraient pas, il s'agit d'une célèbre BD en ligne de Randall Munroe, un ancien de la NASA et une référence geek : https://www.xkcd.com/
Le dialogue se traduirait par :
- Tu viens dormir.
- Je ne peux pas. C'est important.
- Quoi ?
- Quelqu'un a tort sur internet.

jeudi 30 juillet 2009

Châteaux dans le ciel

Le château dans le ciel. C'est l'image qui m'est venue à l'esprit la première fois que j'ai vu ce genre de photos de la station spatiale internationale dominant la Terre. Entre véhicule, habitat et laboratoire de recherche, la station est une construction bien étrange de l'espèce humaine. Depuis peu, il s'agit après la lune de l'objet céleste le plus brillant du ciel nocturne. Si les missions robotiques ont tendance à remplacer les missions spatiales habitées, les agences spatiales renâclent un peu à déserter totalement l'orbite terrestre. Elles font donc de la station spatiale internationale une vitrine de savoir-faire et un terrain d'expérimentations pour des technologies uniques.

Le niveau de recyclage de l'eau ou de l'air à son bord n'a pas d'équivalent terrestre, et son bras robotique, le Canadarm2, successeur du bras équipant la navette spatiale est d'une complexité assez ahurissante. Ses deux extrémités identiques peuvent se fixer à une multitude de "prises" sur la station. Le bras peut ainsi s'y déplacer tel un étrange ver à deux bouches. Bien sûr on peut aussi y fixer divers embouts, ou même un astronaute, pourquoi pas...

La Station accueille toute sorte d'expériences, des plus chères et des plus complexes aux plus simples qui profitent juste des conditions uniques de la station spatiale pour étudier un phénomène tel que la crystalisation du sucre ou la croissance des plantes. Et certaines sont empreintes de la culture qui les finance. A une date à déterminer de l'année 2009, la JAXA, agence spatiale Japonaise lancera une quarantaine d'avions en papier, pliages origamis, en direction de la Terre. Les tests montrent que ces avions pourraient réentrer suffisament lentement dans l'atmosphère pour ne pas être carbonisés. Ils pourraient dériver pendant plusieurs mois dans les couches hautes de l'atmosphère avant d'atterir sur Terre dans votre jardin. Rassurez vous, les explications sur la marche à suivre pour contacter l'agence sont traduites dans une vingtaine de langues.


Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la station spatiale internationale n'est pas la plus grande qui ait existé. La station Skylab disposait d'un immense volume dû notamment au concept de "wet workshop" : le volume vide de la station servait de réservoir au lanceur Aussi, son diamètre est-il le même qu'un étage d'une fusée Saturn. Ce qui a permis à l'équipage de la mission Skylab-3 de rejouer une scène mémorable de 2001 l'Odyssée de l'espace, chose impossible dans la station actuelle :